Enfin retrouvé ce film prémonitoire des rébellions de la jeunesse européenne, le mai 1968 de toute une génération, « If…. » de Lindsay Anderson, avec non pas trois points de suspension mais quatre, comme une rafale d’arme automatique.
Un film tout en violence subies, en révoltes contenues et en explosions cataclysmiques.
Mais avec de la tendresse aussi, entre jeunes solidaires face à un système répressif absurde, fait de contraintes sans logique et d’une discipline arbitraire, et découvrant malgré tout l’amitié, l’émotion et l’amour.
Le film, apparemment transposé de l’expérience personnelle du scénariste John Sherwin dans le pensionnat de Tonbridge School, décrit les contradictions d’une discipline prétendument acceptée et en fait interprétée à leur guise par les petits chefs que sont les étudiants du niveau supérieur, les Whips.
Ceux-ci se font servir par les plus petits dans un climat équivoque, infligent des sanctions physiques, tolèrent ou favorisent le bizutage par les élèves eux-mêmes, absurde et humiliant, sans aucun recours, avec un encadrement dépassé ou passif (professeurs, prêtres) qui confond conservatisme et militarisme jusqu’à jouer à la guerre en tenue de combat et avec de vraies armes – qui finiront par avoir de vraies munitions.
L’année scolaire se déroule avec son cortège d’études, de sanctions, de repas au réfectoire, de bains collectifs, de prières et de chants, mais aussi de chahuts, de séances sportives, de manœuvres militaires. Pas une seconde à soi, un couvre-feu le soir avec extinction des lumières dans les dortoirs, l’atmosphère est étouffante. L’évasion, c’est les sorties, avec l’emprunt d’une superbe moto BSA – le mythique twin britannique – qui permet de s’envoler dans le paysage…
Pour Mick Harris (Malcolm McDowell), le chef de la résistance des jeunes collégiens, symbole à lui tout seul de la libération, l’amour est condensé dans une scène forte où, se découvrant un fort attrait pour une jolie serveuse de bar, laquelle subit la même attraction, il se lance avec elle dans une danse d’amour de deux fauves impossible à décrire avec des mots. Lindsay Anderson joue merveilleusement du télescopage de la réalité, du songe et du symbole, sur fond de musique sacrée dont le Sanctus de la Missa Luba congolaise…
Pour le jeune Bobby Phillips (Rupert Webster), inévitablement dressé à subir les plus anciens dans un collège anglais conforme à la légende d’un système masculin fermé, jusqu’à la caricature, c’est la fascination pour un jeune sportif de trois ou quatre ans son aîné, Wallace (Richard Warwick), qui le fait littéralement « craquer » dans une scène unique, où rien n’est dit sauf dans l’échange des regards, c'est-à-dire tout.
Cette scène très dépouillée, où Wallace fait une éblouissante démonstration de force et d’agilité aux barres parallèles, tandis que Bobby le regarde du haut de la galerie, complètement envoûté, dure quelque trois minutes, ou même pas, mais elle est plus forte que d’autres en apparence beaucoup plus violentes, avec usage massif d’armes à feu.
On n’en saura pas plus sauf un plan très bref où les deux jeunes dorment côte à côte dans le même lit, puis le fait qu’il est associé à la « bande des trois » lorsque ceux-ci préparent leur projet insurrectionnel, mais je ne veux pas raconter davantage sur le récit du film, où la réalité n’est que le symbole d’une bouillonnante révolte de génération qui se termine en folie sanguinaire.
“If” dérange une société endormie, remporte un succès certain à sa sortie qui lui vaudra la Palme d’or au festival de Cannes de 1969. C'est en voyant ce film que Stanley Kubrick découvre Malcolm McDowell et va lui confier le rôle principal d’Orange mécanique. On trouve de remarquables critiques et récits de ce film, ainsi que d’innombrables photos sur Google. Pour ceux qui veulent le voir ou le revoir, on le trouve très facilement sur les principaux sites de films et vidéos.
Richard Warwick continue sa carrière d’acteur et on le retrouvera notamment dans ‘Sebastiane’, autre film symbole, tout en latin, tandis que Rupert Webster, à part deux petits rôles pour la télévision britannique, se tournera vers la guitare après s’être installé à Boston, dans le cadre d’échanges universitaires, et se fera connaître dans la Free Music et le Rythm & Blues.
Lui-même explique que sa mère étant actrice, il voulait trouver sa propre dimension dans un autre art. Ses copains racontent qu’il parle rarement de « If », mais que c’est sa femme qui en parle plus souvent et tous concordent à dire qu’il était lui-même dans son rôle, timide et sensible. Certainement convainquant, en tous cas, et fier d’avoir eu un rôle de premier plan… Une fois Lindsay Anderson lui avait dit : “tu sais, ça a été ta grande scène…”, sans dire laquelle. C’est pourtant évident !
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